[Dossier] Dans l’ombre des projecteurs : la définition d’un jeu vidéo de niche

Temps de lecture estimé : 33 minutes

Écrit par : Sébastien Falter

[Dossier] Dans l’ombre des projecteurs : la définition d’un jeu vidéo de niche
[Dossier] Dans l’ombre des projecteurs : la définition d’un jeu vidéo de niche

Pas juste « pas connu », mais volontairement à part

Nous sommes dimanche, et comme vous le savez maintenant, à 16h, c’est l’heure du nouveau dossier Reboot Game consacré au thème du jeu vidéo. Cette semaine, nous n’avons pas fait les choses à moitié : nous nous sommes penchés sur un gros dossier, le plus ambitieux depuis la création de ce format sur Reboot Game : les jeux de niche.

Alors, c’est parti ! Bonne lecture à tous 😊

Définir ce qu’est un jeu vidéo de niche n’est pas aussi simple qu’il n’y paraît. Le terme “niche” est souvent utilisé à tort et à travers pour désigner un jeu “bizarre”, “pas connu” ou simplement “non grand public”. Mais cette définition approximative passe à côté de l’essentiel. Un jeu de niche n’est pas seulement un jeu qui se vend mal ou qui sort discrètement. Il s’agit d’un titre qui s’adresse volontairement à une cible restreinte, qui fait des choix de design ou de narration spécifiques que seule une minorité de joueurs peut réellement apprécier. Un jeu de niche peut être exigeant, radical, abscons, provocateur ou simplement inadapté aux standards dominants. Mais il ne l’est jamais par maladresse : il l’est par volonté ou par fidélité à une tradition de jeu qui n’a jamais cherché à séduire tout le monde. 

Conçu pour quelques-uns, pas pour tout le monde 

Un jeu de niche naît souvent dans les marges : là où les tendances du marché ne vont pas, là où les budgets sont trop serrés pour espérer un retour sur investissement massif, là où la création prime sur la popularité. Il peut s’agir d’un JRPG aux mécaniques anciennes et aux menus austères comme Shin Megami Tensei III: Nocturne, jeu aussi culte qu’impitoyable. Il peut aussi prendre la forme d’un simulateur militaire tactique ultra détaillé comme Steel Beasts Pro destiné à des passionnés d’armement ou même à des institutions. Il peut être un visual novel de 40 heures entièrement textuel, comme 428: Shibuya Scramble, sans voix française, voir même anglaise ou, avec des acteurs en live-action, et une interface digne des années 90. Tous ces jeux ont un point commun : ils ne cherchent pas à s’adapter à un public, mais attendent que ce public vienne à eux. 

Loin des accidents, proches d’un pacte 

Il faut aussi comprendre qu’un jeu de niche n’est pas un sous-produit, ni un échec commercial. C’est un objet pensé, structuré, mais pour une minorité. Ce n’est pas un jeu oublié dans les rayons ou mal marketé par accident. C’est une œuvre conçue dès le départ pour un type de joueur très particulier. C’est ce qui distingue un jeu de niche d’un simple flop. Le flop, c’est le jeu qui espérait toucher tout le monde et n’a touché personne. Le jeu de niche, lui, n’a jamais eu l’ambition de plaire au plus grand nombre. Il préfère être adoré de « peu de joueurs », plutôt que plaire un peu à beaucoup d’entre eux. 

Pokémon ou Monster Rancher ? La frontière se dessine 

Prenons un exemple concret : Monster Rancher, série longtemps restée confidentielle en Europe. Le concept, pourtant novateur, consistait à générer des monstres à partir de CD audio insérés dans la console. L’élevage, le dressage et les combats étaient à la fois très techniques et très longs, avec une interface peu intuitive. Là où un Pokémon vise l’accessibilité, Monster Rancher visait la profondeur. Il fallait comprendre les cycles d’entraînement, les humeurs des créatures, les effets du temps et la rareté des monstres générés selon le type de disque utilisé. Pas question ici de proposer une progression lisse et balisée. Résultat : certains joueurs l’ont adoré, y ont passé des centaines d’heures. D’autres n’ont pas dépassé le tutoriel. Un jeu de niche fonctionne exactement ainsi. Il ne retient pas tout le monde. Il crée un fossé, parfois volontairement, entre lui et le joueur ordinaire.

Romance, guerre et noms imprononçables 

Autre exemple : Romance of the Three Kingdoms, série stratégique de Koei Tecmo basée sur un roman historique chinois vieux de plusieurs siècles. Le jeu propose des menus complexes, une gestion diplomatique poussée, des personnages aux noms souvent confus pour les joueurs occidentaux, et un rythme lent qui ne pardonne aucune erreur. Mais cette richesse fait aussi sa force : les passionnés de stratégie profonde, de Chine médiévale et de gestion militaire y trouvent un terrain de jeu inégalé. Encore aujourd’hui, malgré son interface archaïque, la série reste active, traduite et attendue à chaque itération. Aucun élément n’est pensé pour séduire un public large. Tout est fait pour plaire à une frange de joueurs passionnés, prêts à s’immerger dans un monde qu’ils doivent apprendre à comprendre. 

Un visual novel avec des pigeons, et ça marche 

La niche peut aussi être thématique. Certains jeux visent des communautés spécifiques, non par exclusion, mais par affinité culturelle ou sociale. Hatoful Boyfriend, par exemple, est un visual novel romantique dans lequel on incarne une lycéenne humaine dans une école peuplée… de pigeons. Derrière l’absurdité apparente se cache une réflexion satirique sur les codes du dating sim japonais. Les fans de ce genre de jeu comprennent les références, décodent les archétypes, acceptent l’inconfort initial. Pour les autres, l’expérience est soit un ovni incompréhensible, soit un simple gag qui lasse en dix minutes. Hatoful Boyfriend n’est pas fait pour plaire à tous. Il parle une langue que seuls certains comprennent. 

Une montagne de systèmes, sans mode d’emploi 

Un jeu de niche peut aussi être un « jeu à systèmes ». Certains développeurs conçoivent leurs jeux autour de mécaniques complexes, parfois au détriment de la narration ou de l’esthétique. C’est le cas de Dwarf Fortress, un simulateur de colonie qui génère des mondes entiers, avec des centaines de paramètres, d’événements, de métiers, de relations sociales et de catastrophes naturelles. Son interface, pendant près de deux décennies, reposait uniquement sur du texte ASCII. Aucun tutoriel, aucune aide. Le joueur était lâché dans un univers brutal, confus, mais infiniment riche. Ceux qui parvenaient à franchir ces obstacles découvraient un jeu sans égal. Ceux qui abandonnaient n’étaient pas jugés : ils n’étaient tout simplement pas le public visé. 

Quand l’ancien ne meurt jamais 

Autre pilier fondamental des jeux de niche : la « constance dans le temps ». Beaucoup de ces titres continuent d’exister, non parce qu’ils explosent les ventes, mais parce qu’ils ont trouvé leur public et que ce public est fidèle. Ys est un bon exemple : la série n’a jamais cherché à se moderniser à outrance. Elle reste fidèle à ses racines, à ses boss gigantesques, à ses systèmes de combat en temps réel fluides et nerveux et à ses musiques iconiques signées Team jdk. Cette fidélité plaît à un groupe de joueurs qui, depuis la PC-Engine ou la Super Famicom, attendent chaque nouvel opus comme un rendez-vous intime. La niche devient alors un refuge, une bulle de cohérence dans un marché qui change trop vite. 

Contre le courant, crayon en main 

Il existe aussi des cas où la niche se crée « par contradiction au mainstream ». Quand les tendances du moment s’uniformisent, certains studios choisissent volontairement de créer l’inverse. C’est ce que fait Etrian Odyssey, une série de dungeon-RPG en vue subjective qui oblige le joueur à dessiner lui-même sa carte sur l’écran tactile de la Nintendo DS. Dans un monde où la plupart des jeux vous guident pas à pas avec une mini-map, une boussole et des marqueurs d’objectifs, Etrian Odyssey refuse cette assistance. Il oblige à la concentration, à la mémoire, à l’observation. Il récompense la lenteur. C’est un rejet actif des codes modernes, et donc, un pur produit de niche. 

La niche comme bastion, pas comme oubliette 

Ce rejet ne vient pas d’une posture réactionnaire. Il s’agit souvent d’un « acte de préservation ». Les jeux de niche sont parfois les derniers bastions d’un genre, d’un style ou d’un rythme oublié. Front Mission, Valkyria Chronicles, Suikoden, A-Train, tous ces jeux incarnent une certaine idée du jeu vidéo que les superproductions ont abandonnée. La niche devient alors un musée vivant, où l’on continue de pratiquer des formes disparues ailleurs. Elle ne se contente pas de survivre : elle résiste, elle témoigne, elle explore. 

Des jeux qui ne vous lâchent plus 

Et dans cette exploration, elle attire toujours de nouveaux curieux. Parfois, des jeux de niche deviennent cultes. Pas parce qu’ils explosent les ventes, mais parce qu’ils marquent ceux qui les découvrent. On parlera de ce phénomène plus loin. Mais pour l’heure, il faut comprendre une chose essentielle : le jeu de niche n’est pas un échec du marché, c’est un choix de design, une posture culturelle, un pacte avec le joueur. Il ne fait pas de compromis. Il ne se modernise pas pour séduire. Il attend qu’on vienne à lui. Et ceux qui découvrent ces univers, souvent, ne reviennent plus jamais en arrière. 

L’archipel de l’alternatif 

Le Japon a toujours développé une relation particulière avec le jeu vidéo, une culture où l’expérimentation côtoie la tradition, où la répétition d’une formule n’est pas vue comme une faiblesse mais comme une forme d’artisanat. C’est sans doute pour cela qu’il est le berceau d’une immense partie des jeux vidéo de niche. Le marché japonais n’a jamais eu peur de parler à des minorités, de viser un groupe de fans très spécifique, ou de mélanger des genres que l’Occident sépare volontiers. Cette liberté créative a permis l’éclosion de dizaines de licences, parfois invisibles aux yeux du monde, mais suivies localement avec passion. 

Ys, le secret le mieux gardé du RPG japonais 

Prenons encore une fois la licence Ys, série fondée en 1987 par Nihon Falcom. À première vue, tout semble simple : un héros aux cheveux rouges du nom d’Adol Christin explore le monde, combat des monstres, sauve des civilisations perdues et… a un don tout particulier pour faire naufrager les bateaux qu’il utilise. Mais derrière ce cadre classique se cache une philosophie de design unique. Le système de combat, nerveux et orienté vers l’action, évolue subtilement à chaque épisode. Le rythme, rapide et tranché, contraste avec les RPG classiques. Les musiques, quant à elles, sont composées par une équipe dédiée dans le studio :  la Team jdk, et mélangent rock progressif, synthétiseur et mélodies orchestrales, un mélange improbable devenu culte. Ys VIII: Lacrimosa of Dana, souvent cité comme le sommet de la série, incarne ce savoir-faire : une aventure intense, humble dans sa présentation, mais d’une précision chirurgicale dans sa jouabilité. Pas besoin de map faisant plusieurs km² ni de quêtes annexes par centaines : chaque minute est pensée pour le joueur, pas pour l’algorithme. 

Falcom, l’artisan de la niche 

Mais Falcom ne s’est pas arrêté là, ils ont également donné naissance à The Legend of Heroes, autre série du studio mais bien plus textuelle et tournée vers la narration. Trails in the Sky, Trails of Cold Steel, Trails into Reverie… autant de titres reliés entre eux par une chronologie cohérente, des personnages récurrents, une géopolitique fouillée et une progression extrêmement lente. Certains dialogues durent plus d’une heure. Les histoires personnelles s’entrelacent à des conflits d’États. L’action y est plus rare, mais toujours ponctuée de musique envoûtante et de combats tactiques finement calibrés. Il faut des dizaines d’heures pour que les enjeux se dessinent, et des centaines pour saisir l’ensemble de l’univers. À l’ère du contenu jetable, cette fidélité à la lenteur est presque militante. 

Tokyo Xanadu, Persona sans le vernis 

Tokyo Xanadu, autre création de Falcom, pousse encore plus loin la notion de niche. À première vue, on pense immédiatement à Persona : des lycéens, des portails vers un monde parallèle, des donjons à explorer entre deux cours. Mais le jeu est plus rugueux. Moins animé, moins mis en scène, avec des visages figés et des animations rigides. Pourtant, l’univers tient debout. Les personnages ont une vraie consistance, les thèmes sont traités avec retenue, les combats en temps réel sont nerveux et précis. Là où Persona s’enrobe d’esthétique et de style, Tokyo Xanadu mise sur la structure et la cohérence. Il ne cherche pas à impressionner mais à durer. 

OneChanbara : le sabre, le sang et le bikini 

À l’autre extrémité du spectre, on trouve des séries comme OneChanbara, née sur PlayStation 2. Le concept est aussi simple qu’excessif : des jeunes femmes à moitié nues affrontent des vagues de zombies dans un déluge d’hémoglobine. Le marketing insiste sur le côté sexy, mais ce serait une erreur de croire que le jeu se limite à cela. OneChanbara propose en réalité un gameplay fluide, un système de combo technique, et même une gestion du sang qui influence la maniabilité des armes. L’univers est volontairement absurde, mais le jeu est solide. Il assume son côté série B, joue avec les codes, et offre aux fans un défouloir précis et jouissif. Là encore, tout le monde ne comprend pas. Et c’est exactement pour cela qu’il existe. 

Senran Kagura ou l’esthétique de la transgression 

Dans la même logique, Senran Kagura a bâti sa réputation sur une promesse assumée : des combats rapides et stylisés entre des étudiantes ninja sur-sexualisées. Oui, il y a des vêtements qui se déchirent, des angles de caméra douteux, des mini-jeux étranges impliquant des fruits et de la crème chantilly. Mais derrière cette façade provocante se cache un beat’em all nerveux, accessible mais pas creux, avec un vrai système d’amélioration, des combos aériens, et une structure de progression bien pensée. Senran Kagura ne se cache pas. Il sait qu’il est un jeu de niche et il n’essaie pas de s’excuser. Il parle à un public qui connaît ces codes, qui les accepte, voire les revendique. Pour les autres, c’est un ovni gênant. Pour ses fans, c’est une perle assumée.

Earth Defense Force : le fun avant tout 

Earth Defense Force (nommé aussi EDF et non, rien à voir avec un fournisseur d’électricité), quant à lui, est un OVNI persistant. Visuellement daté, techniquement brinquebalant, souvent critiqué pour sa laideur, le jeu propose pourtant quelque chose de rare : un plaisir de jeu brut, immédiat, sans filtre. On y incarne un soldat affrontant des hordes de fourmis géantes, d’araignées mutantes, de robots géants, dans des villes qui s’effondrent sous les explosions. Les armes sont innombrables, les situations délirantes, et le gameplay d’une efficacité déconcertante. EDF ne cherche pas le réalisme. Il cherche l’ivresse. Joué à plusieurs, le jeu devient une expérience coopérative aussi bordélique que jouissive. Le public est réduit, mais fidèle. Chaque épisode se vend à des dizaines de milliers d’exemplaires, parfois des centaines de milliers, mais ne franchit jamais le seuil du succès mondial. Et ça lui convient très bien. 

Des RPG qui regardent dans le rétro 

D’autres jeux japonais préfèrent se tourner vers l’héritage des années 90. SaGa, Last Bible, Metal Max, Riviera: The Promised Land, ou encore Summon Night forment une galaxie de RPG qui n’ont jamais cessé d’exister au Japon mais qui, hors de l’archipel, ne bénéficient d’aucune reconnaissance. Ils utilisent encore des systèmes de combat en tour par tour, des menus imposants, des sous-intrigues alambiquées, des graphismes en pixel art ou en 3D rudimentaire. Ces jeux sont portés par des fans qui n’ont jamais oublié ce que c’était de passer 70 heures à lire des dialogues mal traduits dans un français ou un anglais approximatif, à farmer des monstres dans un donjon de lave, ou à collectionner des invocations. Ces mécaniques, que les jeux modernes rejettent, sont ici magnifiées. 

Des thèmes qu’on ne trouve nulle part ailleurs 

Enfin, certains jeux japonais de niche se démarquent par leurs thématiques étranges, quasi inadaptables en dehors de leur contexte culturel. Kowloon High-School Chronicle, mélange d’exploration de ruines, de romance lycéenne et de dialogues à base d’émotions exprimées par des pictogrammes. Moe Chronicle, qui mêle dungeon crawling et éléments d’érotisme light avec un second degré permanent. Ou encore Gals Fighters, jeu de combat exclusivement féminin sur Neo Geo Pocket Color, destiné à un public qui aimait les chibi, les schoolgirls et les tournois absurdes. Ces jeux ne sont pas des accidents de parcours. Ils répondent à des codes précis, à des envies ciblées, à une niche culturelle très réelle. Le Japon a toujours su parler à ces joueurs-là, même s’ils sont peu nombreux.

La marge existe aussi à l’Ouest 

Si le Japon est souvent célébré pour la richesse de ses jeux de niche, il serait injuste de croire que ce phénomène lui est exclusif. En Occident aussi, certains développeurs ont décidé de ne pas suivre le flot, de s’adresser à une minorité, de concevoir des jeux profondément à contre-courant des standards modernes. Ils ne sont pas aussi nombreux, ni aussi soutenus par un public local, mais leur production est tout aussi précieuse. Ces jeux naissent souvent dans les studios indépendants, parfois dans des sphères underground, ou chez des vétérans décidés à créer ce qu’ils auraient aimé jouer plutôt que ce qu’on leur demande de produire. 

Pathologic, le malaise comme expérience 

Pathologic, par exemple, est l’un des cas les plus emblématiques. Développé par le studio Ice-Pick Lodge, le jeu se déroule dans une ville isolée rongée par une mystérieuse épidémie. Trois personnages jouables, chacun avec leur vision du monde, tentent de comprendre, de survivre et d’agir. Mais rien ne se passe comme dans un jeu classique. Les règles sont floues, la progression pénible, les dialogues cryptiques, l’interface volontairement repoussante. Le joueur ne comprend pas tout, souffre souvent, doute de ses choix. Et c’est précisément là que réside le cœur de l’expérience. Pathologic est un jeu sur l’incertitude, sur la mort inévitable et sur l’impuissance. Ceux qui acceptent de se laisser désorienter en ressortent transformés. Les autres fuient après deux heures, éreintés. C’est l’essence d’un jeu de niche : il ne s’adapte jamais à vous. 

Disco Elysium, un polar métaphysique sans armes 

Plus récemment, Disco Elysium a prouvé que même les jeux les plus exigeants peuvent se faire une place sans trahir leur nature. Pas de combat, pas d’objectifs clairs, seulement une enquête à résoudre dans une ville dépressive, par un policier amnésique hanté par sa propre voix intérieure. Le gameplay repose sur des dialogues complexes, un arbre de décisions gigantesque et des compétences psychologiques qui se parlent entre elles. Ce n’est pas un jeu d’action. C’est une œuvre littéraire interactive. L’univers est dense, les références politiques, sociales et philosophiques abondent. Le public visé est étroit, mais passionné. Et même si le succès critique a permis au jeu de sortir de l’ombre, il reste un projet profondément marginal dans son ADN. 

King of Dragon Pass, le chef-d’œuvre confidentiel 

Autre exemple remarquable : King of Dragon Pass, sorti en 1999. Mélange improbable de gestion de tribu, de mythologie nordique fictionnelle et de narration à embranchements, il demande au joueur de gouverner un clan dans un monde sans carte ni bataille spectaculaire. Tout passe par des écrans fixes, des textes à choix multiples, et une interface minimaliste. Mais chaque décision peut avoir des conséquences imprévisibles : une guerre déclenchée à cause d’un rêve mal interprété, une alliance rompue suite à une vache volée ou un héros exilé pour avoir défié un dieu. La profondeur du jeu n’est pas visuelle, elle est symbolique. C’est un jeu de narration systémique, dans lequel la réussite passe par la compréhension d’une culture fictive. Il ne vous guide jamais. Il attend que vous compreniez ses codes. 

Sunless Sea, la solitude comme horizon 

Sunless Sea, développé par Failbetter Games, plonge le joueur dans un Londres victorien souterrain où l’océan est noir, les ports sont hantés et les livres mangent les âmes. C’est un jeu de navigation, de gestion de ressources et de lecture. Chaque port offre des fragments de récits, chaque choix moral entraîne des pertes. On y meurt lentement, de faim ou de folie, en tentant de percer un mystère qui ne sera jamais totalement révélé. Le rythme est lent, la narration envahissante, les mécaniques peu généreuses. Pourtant, chaque partie laisse un goût de vertige. Le monde est cohérent, même dans sa folie. Et les joueurs qui s’y perdent ne cherchent pas la victoire, mais l’immersion. Un pur exemple de jeu de niche : difficile d’accès, mais immensément riche. 

Darkest Dungeon, la douleur en héritage 

Avec Darkest Dungeon, Red Hook Studios a réintroduit la souffrance comme mécanique centrale. RPG tactique en 2D à l’esthétique gothique, le jeu impose une difficulté impitoyable et une mécanique de stress psychologique inédite. Chaque personnage peut perdre la raison, sombrer dans la panique, ou contaminer ses coéquipiers par ses crises. Il faut gérer la torche, les provisions, les traumatismes. Le jeu punit chaque erreur, sans jamais vous tendre la main. Et il vous regarde recommencer. Encore. Encore. Et encore. Pour les amateurs de challenge pur, c’est un bijou. Pour les autres, une torture incompréhensible. Mais le succès critique n’a jamais fait dévier les créateurs. Même la suite, plus accessible, garde cette âme rugueuse. Darkest Dungeon ne triche pas : il veut que vous souffriez avec lui. 

Le wargame, territoire interdit aux non-initiés 

L’Occident regorge aussi de jeux de niche dans le domaine des simulations militaires et wargames stratégiques. Des titres comme Command: Modern Operations, War in the Pacific, Combat Mission, ou Gary Grigsby’s War in the East sont presque illisibles pour un joueur moyen. Des centaines de paramètres, des cartes remplies de codes, des manuels de 200 pages, des probabilités de combat précises au mètre près… Ces jeux n’ont aucun souci à rendre les choses désagréables. Ils veulent être exacts, rigoureux, réalistes. Le joueur attendu n’est pas un amateur. C’est un passionné d’histoire militaire, un statisticien. Le plaisir vient de la planification millimétrée, du respect des lignes de ravitaillement, du détail des types de chars. On est loin des explosions spectaculaires. Ici, l’enthousiasme vient d’une mission réussie sans perte, d’un pont bien défendu, d’une retraite bien gérée. 

Ultima Underworld et la naissance d’une tradition oubliée 

Certains jeux fondateurs sont aussi devenus des références oubliées. Ultima Underworld, au début des années 90, a posé les bases de l’immersion à la première personne bien avant Skyrim ou Deus Ex. Exploration libre, dialogues multiples, interactions physiques, sorts à dessiner à la main… tout y était. Mais le jeu était dense, exigeant et difficile à appréhender. Il a eu du succès à l’époque, mais son héritage n’a pas été récupéré par le grand public. Seuls quelques titres comme Arx Fatalis ou Legend of Grimrock ont tenté de raviver cette flamme. Le style “Immersive Sim”, aujourd’hui salué, a pourtant longtemps été une niche pure, réservée à ceux qui acceptaient de se perdre sans boussole. 

Des folklores minoritaires à la manœuvre 

L’Occident sait aussi puiser dans ses marges culturelles. Des jeux comme Never Alone, basé sur la culture Iñupiat, ou Mulaka, inspiré du peuple Tarahumara, racontent des mythes méconnus dans un style narratif sobre, parfois maladroit, mais toujours respectueux. Ce sont des œuvres de transmission autant que de jeu. Leur public est limité, souvent curieux ou militant. Mais leur existence seule est une victoire. Elles ne sont pas faites pour le chiffre d’affaires mais pour laisser une trace. Là encore, on retrouve l’essence de la niche : une adresse directe, ciblée, sincère. 

Pas des clients : des disciples 

Ce qui distingue fondamentalement les jeux de niche des productions mainstream, c’est la relation que ces jeux tissent avec leur public. Dans le jeu vidéo de masse, la fidélité du joueur est un objectif marketing : on tente de la provoquer par des bonus de connexion, des saisons, des battle pass ou des récompenses quotidiennes. Dans le jeu de niche, cette fidélité est organique, presque sacrée. Le joueur ne reste pas pour la carotte. Il reste parce qu’il a trouvé quelque chose qu’il ne retrouve nulle part ailleurs. Il ne consomme pas un produit. Il s’engage dans un univers, une philosophie de jeu, une esthétique, un rythme, un langage parfois incompréhensible pour les autres. Il n’est pas là pour collectionner, il est là pour comprendre. Et souvent, il s’attache à des titres qui n’ont même plus besoin de se vendre. 

Le fan qui attend quinze ans sans broncher 

Prenons l’exemple de Suikoden. La série, initiée sur PlayStation par Konami, proposait une approche très singulière du RPG : il ne s’agissait pas seulement de sauver le monde, mais de recruter 108 personnages, d’organiser une armée, de construire un château et d’assister à des conflits politiques d’une rare subtilité. Après un cinquième épisode en 2006, la série a été mise en sommeil, sans nouvelle. Mais les fans, eux, sont restés. Quinze ans plus tard, quand Eiyuden Chronicle a été annoncé par les créateurs d’origine comme un successeur spirituel, le financement participatif a explosé en quelques heures. Ce n’était pas un simple jeu nostalgique. C’était la résurgence d’un espoir entretenu dans le silence. Une niche ne se lasse pas. Elle attend. 

L’attachement au style, pas à la marque 

Dans les communautés de niche, la fidélité ne va pas toujours à une licence ou à un studio. Elle va à une manière de concevoir le jeu. Certains joueurs ne suivent non pas un nom, mais une vision : la lenteur, la complexité, l’expérimentation ou la radicalité. Ils peuvent passer de Dwarf Fortress à RimWorld, de Darkest Dungeon à Stoneshard, de Mount & Blade à Battle Brothers et cela non pour les graphismes ou la renommée, mais parce que ces jeux partagent une philosophie commune : ils ne guident pas, ils exigent. Ils offrent des mondes rugueux, où le joueur doit apprendre, échouer, recommencer, et mériter sa victoire. Ces joueurs ne cherchent pas le confort. Ils cherchent la densité, la résonance, parfois même l’hostilité. 

La modération par passion 

Dans ces jeux, les forums sont essentiels. Ce ne sont pas de simples annexes commerciales ou des lieux de râlerie. Ils deviennent des centres de vie. Des guides écrits à la main, des cartes dessinées par les joueurs, des théories de fans, des mods partagés gratuitement, des patchs non officiels pour traduire un jeu jamais localisé… La communauté devient co-développeur, archive vivante, extension affective du jeu. Des forums comme ceux de RPG Codex, The Something Awful Forums, ou les wikis dédiés à Valkyrie Profile ou Tactics Ogre montrent à quel point certains joueurs investissent des années de leur vie pour documenter des titres obscurs, sans rien attendre en retour. Ce niveau d’implication est unique. Et il ne peut exister que dans un contexte de niche, où la passion remplace la publicité. 

Quand les joueurs font revivre les morts 

La fidélité va parfois jusqu’à ressusciter un jeu. De nombreux titres de niche auraient totalement disparu sans l’acharnement de leurs fans. Panzer Dragoon Saga, introuvable légalement, est jouable aujourd’hui grâce à des roms amateurs. Mother 3, jamais sorti hors du Japon, a bénéficié d’une localisation fanmade d’une qualité exceptionnelle, mise à jour pendant plus de dix ans. Vampire: The Masquerade – Bloodlines, totalement bugué à sa sortie, a été patché par des joueurs pendant plus d’une décennie, jusqu’à devenir stable, voire excellent. Ces cas ne sont pas isolés. Ils illustrent une dynamique essentielle : le jeu de niche n’est jamais totalement mort tant qu’un seul joueur y croit encore. 

De la niche au culte : le phénomène silencieux 

Il arrive parfois qu’un jeu de niche passe à un statut culte, non pas parce qu’il devient populaire, mais parce qu’il se propage lentement, d’un passionné à l’autre, sans faire de bruit. Planescape: Torment n’a jamais été un best-seller. Il s’est vendu modestement, souvent à perte. Et pourtant, il est aujourd’hui cité comme l’un des plus grands jeux narratifs de tous les temps. Pourquoi ? Parce que les joueurs qu’il a touchés en ont parlé sans relâche. Ils l’ont défendu, recommandé, analysé. Il a vécu par transmission. Ce type de succès ne repose pas sur les trailers ou les notes Metacritic. Il repose sur la fidélité pure. Et ce genre de succès-là ne s’achète pas. 

Le jeu de niche, victime de son propre charme 

Il arrive parfois qu’un jeu conçu pour une minorité finisse par capter l’attention d’un public plus large. Parfois sans le vouloir, parfois en résistant. Le bouche-à-oreille, les mèmes, les créateurs de contenu, les redécouvertes tardives ou les remakes peuvent faire exploser une bulle initialement fermée. Mais ce succès inattendu n’est pas toujours sans conséquences. Car le charme d’un jeu de niche repose précisément sur sa marginalité. Il plaît parce qu’il ne cherche pas à plaire à tout le monde. Et quand la lumière du grand public s’y pose, il se retrouve face à un dilemme : rester lui-même, au risque d’être jugé trop hermétique, ou s’adapter, au risque de trahir son identité ? 

Persona : de l’ombre à la lumière 

Revenons sur l’exemple de Persona. Pendant longtemps, la série était connue uniquement d’une petite frange de joueurs de RPG japonais. Persona 3, en 2006, restait très orienté niche : mécanique de fusion de démons, gestion du temps, mort instantanée si le héros tombe au combat, dialogues verbeux et thèmes lourds. Mais avec Persona 5, la série a explosé. Interface stylisée, musiques jazz sophistiquées, scénario plus accessible, design plus “cool”, tutoriels généreux, gameplay épuré. Le jeu a conquis un nouveau public sans pour autant renier tout à fait ses racines. Pourtant, les fans des premiers volets regrettent parfois la lente dilution des spécificités initiales : la rugosité, l’ambiguïté morale, la noirceur. La série est passée de la niche au grand public. Mais elle a dû changer de ton pour y parvenir. 

Fire Emblem : lisse mais vivant 

Un autre exemple frappant est Fire Emblem. Avant Awakening, sorti en 2012 sur 3DS, la série était menacée d’extinction. Trop difficile, trop japonaise, trop vieille école. Puis est arrivé un épisode plus romantique, plus scénarisé, avec des options de difficulté ajustables, un style visuel plus coloré, une emphase sur les relations entre personnages. Succès fulgurant. La série a survécu. Mais à quel prix ? Certains joueurs regrettent que la dimension tactique ait été reléguée au second plan. Que les personnages deviennent des archétypes de dating sim. Que les choix deviennent secondaires. La niche a gagné en visibilité, mais a laissé sur le bord du chemin une partie de ses fidèles les plus exigeants. 

Quand le grand public copie sans comprendre 

À l’inverse, il arrive que des jeux grand public s’essaient à reprendre des codes de la niche, souvent avec maladresse. Certains blockbusters tentent d’intégrer des mécaniques de permadeath, de gestion hardcore, ou des systèmes économiques complexes pour se donner un vernis de “profondeur”. Mais ils évitent soigneusement la difficulté réelle, les interfaces austères, les choix irréversibles. Résultat : une caricature de jeu exigeant, vidée de sa substance. 

Dark Souls : la niche par la douleur devenue modèle universel 

Le cas Dark Souls est unique. En 2011, FromSoftware sort un jeu qui ne pardonne rien, qui n’explique rien, qui enterre le joueur sous la difficulté et le silence. Et pourtant, le jeu devient culte. La souffrance devient une esthétique. Le gameplay méthodique devient une norme. Dark Souls était un jeu de niche à son époque et le reste encore, dans l’âme, mais il a engendré une vague d’imitateurs. On parle désormais de « souls-like » comme d’un genre à part entière. Pourtant, beaucoup de ces copies oublient ce qui faisait l’essence du titre : l’économie de mots, la lisibilité des systèmes, le respect du joueur. La niche est devenue tendance, mais sa profondeur reste difficilement duplicable. 

Quand la niche s’auto-parodie 

Certains développeurs jouent avec cette bascule. Ils reprennent les codes de la niche pour mieux les détourner. Undertale, par exemple, pastiche le JRPG à l’ancienne, mais y insuffle une philosophie non violente et méta-narrative. Il s’adresse d’abord aux connaisseurs de EarthBound, de Shin Megami Tensei, de ces jeux bizarres où rien ne se passe comme prévu. Mais il utilise cet héritage pour surprendre, émouvoir et interpeller. Undertale est un jeu de niche… qui parle au grand public. Il fait le pont entre deux mondes. Et il prouve qu’on peut élargir l’audience sans trahir ce qui rend un jeu singulier. 

Les risques de l’accessibilité à tout prix 

Lorsqu’un jeu de niche tente de séduire un public plus large, il lui faut souvent rogner sur ce qui faisait sa force : supprimer des mécaniques jugées trop complexes, lisser la difficulté, expliquer chaque concept, ajouter des aides contextuelles, simplifier les interfaces. Ce processus peut aboutir à une démocratisation bienvenue. Mais il peut aussi dénaturer l’expérience. Car la niche n’est pas toujours faite pour être partagée. Elle repose parfois sur un plaisir réservé, sur une rareté volontaire. L’universalité peut tuer la spécificité. Le compromis est toujours un risque. Et certains développeurs préfèrent rester dans l’ombre plutôt que d’abandonner ce qu’ils sont. 

Les jeux de niche ne s’excusent pas d’exister 

À une époque où tout contenu semble calibré pour plaire au plus grand nombre, les jeux de niche apparaissent comme des anomalies précieuses. Ils ne demandent pas la permission pour exister. Ils ne s’adaptent pas aux tendances, ne cherchent pas le clic facile, ne se vendent pas comme des produits Netflix. Ce sont des jeux qui parlent une autre langue, qui refusent l’uniformité. Ils assument d’être obscurs, d’être lents, d’être complexes. Et ce refus de l’universalité est précisément ce qui les rend indispensables. Dans un monde saturé d’accessibilité, ils proposent autre chose : un pacte exigeant, un apprentissage, une immersion qui se mérite. Ils ne se vendent pas toujours bien, mais ils comptent. 

Des refuges face à l’uniformisation 

Le jeu vidéo industriel tend à se standardiser. Les mécaniques se ressemblent, les interfaces s’uniformisent, les expériences se répètent. Open world balisé, quêtes secondaires génériques, points d’intérêt en série, HUD surchargé, systèmes de progression interchangeables… Face à cette industrialisation du plaisir vidéoludique, les jeux de niche proposent un refuge. Un endroit où l’on ne sait pas exactement à quoi s’attendre. Où les règles sont différentes. Où la progression n’est pas linéaire. Où l’étrangeté est une qualité. Ces jeux ne vous prennent pas par la main. Ils vous regardent, silencieux, et attendent que vous fassiez l’effort. Et c’est précisément pour cela qu’on s’y attache tant. 

Ils transmettent des héritages oubliés 

Beaucoup de jeux de niche perpétuent des traditions que l’industrie a abandonnées. Des genres entiers, comme le dungeon crawler à l’ancienne, le shoot’em up vertical, la stratégie au tour par tour ultra détaillée, la simulation économique hardcore ou le visual novel sans gameplay, n’existent (presque) plus dans les circuits dominants. Mais ils vivent encore dans les marges. Grâce à quelques studios, à quelques fans, à quelques plateformes (souvent Steam, itch ou le marché japonais), ces styles de jeu survivent. Ils transmettent une mémoire. Ils rappellent que le jeu vidéo ne se résume pas à des mondes ouverts et à des systèmes de craft. Ils gardent en vie des manières de jouer que les grands studios ne savent (ou ne veulent) plus produire. 

Ils parlent à des publics que les autres ignorent 

Certains jeux de niche ne se définissent pas seulement par leur gameplay, mais par leur public cible. Ils parlent à des communautés spécifiques, souvent marginalisées ou oubliées. Que ce soit par le thème, la représentation, la narration ou la langue utilisée, ces jeux offrent une reconnaissance que les productions mainstream refusent d’assumer. A Normal Lost Phone, LongStory, If Found…, Eliza, Heaven Will Be Mine, We Are OFK : autant de jeux centrés sur des identités, des histoires intimes, des problématiques psychologiques ou sociales. Ces jeux ne visent pas tout le monde. Et pourtant, pour ceux à qui ils s’adressent, ils comptent plus que tous les blockbusters réunis. Car ils disent : “tu n’es pas seul”. 

Ils imposent un autre rythme 

Les jeux de niche ne cherchent pas toujours à divertir. Certains cherchent à immerger, à troubler, à épuiser, même. Ils imposent un rythme, contemplatif, parfois pesant. Ils ne craignent pas l’ennui ou le silence. Ils laissent la place à la réflexion, à l’introspection. The Void de Ice-Pick Lodge, The Longing du Studio Seufz, ou The Cat Lady de Harvester Games sont des expériences lentes, poétiques, cruelles parfois, où le jeu semble vous regarder autant que vous le regardez. Ils forcent à ralentir. À accepter l’inconfort. À écouter. Ces titres ne cherchent pas l’engagement rapide, mais l’empreinte durable. 

Ils préfigurent parfois l’avenir 

Enfin, les jeux de niche sont parfois en avance sur leur temps. Beaucoup de mécaniques aujourd’hui devenues communes étaient autrefois des particularités de jeux marginaux. La construction procédurale, la narration environnementale, la simulation systémique, le permadeath, le crafting poussé, le mélange des genres… Tout cela a souvent été expérimenté dans les jeux de niche, bien avant d’être récupéré par les grands studios. Minecraft, avant d’être le phénomène mondial que l’on connait était un petit jeu indie de niche. Slay the Spire, avant de générer des dizaines de clones, n’intéressait qu’un public curieux de deck-builders. La niche est un laboratoire. Ce qui y pousse lentement finira peut-être un jour par nourrir tout le champ. 

La niche n’est pas un défaut, c’est une promesse 

Il est temps de cesser de voir la niche comme une contrainte ou un échec. Être un jeu de niche, c’est faire un choix. C’est refuser le compromis. C’est préférer être profondément aimé par quelques-uns plutôt qu’à peine toléré par tout le monde. C’est revendiquer une singularité. C’est dire « voici qui je suis« , et accepter que cela ne plaise pas à tous. Dans un monde où l’algorithme décide ce que vous devez aimer, ces jeux offrent un espace de résistance. Un espace de liberté. Et tant qu’il y aura des joueurs prêts à s’aventurer dans l’étrange, l’exigeant ou l’invisible, il y aura des jeux pour eux.

Merci à Elise pour son aide dans ce dossier

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