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Il suffit parfois d’un nom un peu trop long, un peu trop bruyant, pour croire à une farce. Super Engine GT Turbo SPEC, c’est typiquement le genre de titre qui évoque un jeu d’arcade fictif aperçu dans un film des années 90 ou sur une borne cabossée d’un café de bord de mer. Pourtant, derrière cette étiquette volontairement kitsch se cache un jeu bien réel, fraîchement débarqué sur toutes les plateformes, grâce à Eastasiasoft, éditeur désormais réputé pour ses productions modestes mais efficaces. Imaginé par Josep Monzonis Hernandez, ce projet indépendant rend hommage aux jeux de course de l’époque 32-bits, en assumant chaque clignement de texture, chaque angle de virage abrupt, chaque ligne d’horizon pixellisée.
Mais au-delà de la nostalgie immédiate que déclenche son esthétique outrancière et sa musique pleine de synthés criards, Super Engine GT Turbo SPEC tente surtout d’offrir une expérience simple, directe, sans fioritures, sans menus compliqués, sans mécaniques superflues. Juste vous, une voiture, une piste, et ce besoin primal de franchir la ligne d’arrivée avant les autres. Mais cette simplicité volontaire tient-elle la route aujourd’hui, à l’heure des simulateurs hyperréalistes et des mondes ouverts motorisés ? C’est ce qu’on va voir dans ce test.
Une course arcade pure et dure, sans artifice

Dans Super Engine GT Turbo SPEC, pas de système d’XP, pas de monnaie virtuelle, pas de mise à niveau complexe. L’objectif est aussi limpide qu’une ligne droite de bitume fraîchement tracée : enchaîner les courses et atteindre le podium pour débloquer la série suivante. Le jeu se découpe en quatre catégories : Novice, Junior, Senior et Pro. Chacune propose huit circuits à dompter, pour un total de 32 parcours. Les environnements varient d’une course à l’autre : désert aride, jungle dense, montagne enneigée, ville lumineuse, tunnel futuriste, tout y passe, avec une mise en scène volontairement exagérée et colorée.
Chaque course vous oppose à une poignée d’adversaires contrôlés par l’intelligence artificielle. Il faut impérativement terminer dans le top 3 pour continuer la progression. Une fois un championnat terminé, quelques nouvelles voitures se débloquent, même si elles n’apportent aucune amélioration en termes de vitesse ou de maniabilité. Ce choix délibéré gomme toute notion de performance entre les véhicules : le style et la silhouette deviennent les seuls critères de sélection. Cela peut paraître décevant, mais cela recentre toute l’expérience sur vos réflexes et votre capacité à lire la piste, à apprivoiser les virages, à éviter les collisions.
La prise en main est immédiate. Les virages se prennent au stick, un bouton permet de freiner (très rarement utilisé) et un autre déclenche un turbo temporaire. Il ne s’agit donc pas d’un jeu de stratégie ou de simulation, mais d’un condensé d’adrénaline, dans la plus pure tradition arcade. Trois angles de caméra sont disponibles, dont une vue aérienne en plongée qui évoque directement les premiers Virtua Racing ou OutRun. Le jeu ne cherche jamais à surprendre, mais à rassurer, en vous replongeant dans des sensations brutes.
Graphismes néo-rétro, musiques synthétiques et conduite simplifiée

Visuellement, Super Engine GT Turbo SPEC affiche sans honte ses ambitions. Le style cel-shading appliqué aux décors et aux voitures rappelle à la fois les jeux Dreamcast et certains titres low-poly plus récents, mais avec une touche volontairement criarde dans les couleurs. Les textures sont simples, presque grossières parfois, les décors surgissent à mesure que vous avancez, avec un clipping visible mais assumé. L’ensemble évoque davantage une borne d’arcade qu’un jeu contemporain. Mais tout est fluide, les 60 images par seconde tiennent solidement la route.
Les circuits sont remplis de petits détails : panneaux lumineux, palmiers stylisés, drones flottants ou néons vrombissants. Ce n’est pas spectaculaire, mais ça participe à une ambiance énergique et vivante. Chaque piste possède sa propre palette visuelle, son identité colorée, et malgré une répétitivité inévitable, on ressent une volonté de varier l’ambiance visuelle tout au long des championnats.
Côté son, c’est une avalanche de synthés électroniques. Les musiques rappellent les sonorités des années 80 et 90, avec une surdose d’arpèges, de basses roulantes et de nappes stridentes. Rien de subtil, mais ça colle parfaitement à l’esprit du jeu. Les bruitages sont minimalistes : moteur qui gronde, dérapages crissants, bruit sec des collisions. Pas de commentaire audio, pas de voix, pas d’effets exagérés. L’ambiance sonore reste secondaire, mais efficace.
La jouabilité, quant à elle, repose sur une physique simplifiée. La voiture colle à la route comme une ventouse, les collisions sont peu punitives, et les virages peuvent être négociés sans freiner, en se contentant de jouer sur l’inertie. Ce n’est pas du tout réaliste, mais c’est ce qui fait tout le charme de ce type de jeu : aucune barrière à l’entrée, une accessibilité immédiate. On relance une course sans réfléchir, on recommence encore et encore pour grappiller quelques secondes, sans se heurter à une IA injuste ou à une maniabilité punitive.
Des limites évidentes, parfois frustrantes

Mais derrière cet enrobage généreux, Super Engine GT Turbo SPEC montre rapidement ses failles. La première, et peut-être la plus flagrante, c’est l’absence totale de multijoueur. Aucun mode en ligne, aucun écran partagé, aucun classement mondial : tout se joue en solo, contre des adversaires préprogrammés. Dans un jeu de course, cela peut vite devenir frustrant, surtout si vous cherchez à vous mesurer à d’autres en dehors de l’IA.
Le second défaut majeur réside dans la répétitivité du gameplay. Malgré la variété visuelle des circuits, le fond reste strictement identique d’une course à l’autre. Pas d’événements spéciaux, pas de météo dynamique, pas de mécanique de drift ou de bonus sur la route. On accélère, on tourne, on turbo, et on recommence. Les premières heures sont agréables, voire addictives, mais la lassitude finit par s’installer. Même les environnements, bien que colorés, finissent par se ressembler, faute de changements de rythme ou d’obstacles marquants.
Autre point faible : le manque de différenciation entre les véhicules. Si l’objectif était de proposer une expérience centrée sur le skill pur, pourquoi proposer autant de voitures différentes si elles roulent toutes pareil ? Visuellement, elles changent, mais on aurait aimé des spécificités de maniabilité, de vitesse, de turbo, pour encourager un minimum d’adaptation. Le système de progression s’en trouve affaibli.
Enfin, on peut évoquer la durée de vie très courte. Les 32 circuits peuvent être bouclés en 2 à 3 heures si vous êtes à l’aise avec les jeux de course. Aucun mode contre-la-montre, aucun défi supplémentaire, aucun système de médailles ou d’objectifs secondaires. Le jeu s’arrête net une fois le dernier championnat terminé, sans récompense ni nouvelle difficulté. À 4,99€, cela reste correct, mais ça laisse un goût de trop peu, surtout si vous êtes en quête de longévité.
Un hommage charmant, mais vite oublié

Super Engine GT Turbo SPEC ne cherche pas à révolutionner quoi que ce soit. Ce n’est pas un jeu de course moderne, ce n’est pas une simulation, ce n’est même pas un hommage subtil. C’est un petit délire, un condensé d’arcade assumé, qui coche toutes les cases de la nostalgie sans chercher à surprendre. Le style visuel fonctionne, la prise en main est immédiate, la progression est fluide, et la formule est efficace… tant que vous ne lui en demandez pas trop.
Vous y trouverez un divertissement rapide, idéal pour de courtes sessions, entre deux gros titres, ou pour revivre le plaisir brut de la course sans complications. Mais ne vous attendez pas à un jeu profond ou à des mécaniques modernes. L’absence de multijoueur, la répétitivité du contenu et la durée de vie réduite limitent considérablement son impact. Une fois la nostalgie passée, difficile d’y revenir, faute d’enjeux.
Mais pour celles et ceux qui aiment foncer, sans se poser de questions, et retrouver le goût du checkpoint à l’ancienne, ce petit bolide vaut largement son prix d’entrée.
Merci à l’éditeur de nous avoir fourni le jeu.